Université Populaire de Perpignan
Décembre 2008


L’IDENTITE
par Jacky Arlettaz


Sculpté sur l’architrave du temple de Delphes, consacré à Apollon, on pouvait lire : « Connais-toi toi-même et laisse le monde aux Dieux » : formule contradictoire qui signifiait d’une part qu’il fallait penser à se connaître…et d’autre part que tout était décidé par les Dieux.
Ce simple regard sur l’histoire ancienne montre clairement que les questions :qui suis-je ? d’où viens-je et où vais-je ? ont balisé le parcours de l’existence humaine : ces questions ont une source commune : la quête de sens.


L’IDENTITE : CONCEPT MODERNE
L’ identité est un concept récent (date de la mise en place des papiers d’identité) ; c’est un terme très usité aujourd’hui dans une société en mal de repères : identité culturelle, identité religieuse, crise de l’identité, identité sociale…Cette mutation de la civilisation, argumentent les sociologues, explique la montée obsessionnelle du thème de l’identité : « nous sommes désormais entrés, pour le meilleur et pour le pire, dans l’âge des affirmations identitaires».


L’IDENTITE : CE QU’ELLE N’EST PAS .
L’identité ne doit pas être confondue avec la ressemblance. Pour être identiques, deux choses doivent être indiscernables ( principe formulé par Leibnitz et selon lequel deux êtres réels diffèrent toujours par des caractéristiques intrinsèques : il n’existe jamais deux individus rigoureusement semblables ).
L’identité ne se confond pas non plus, avec l’égalité qui suppose que des individus sont traités de la même manière, non qu’ils sont identiques. Ne confondons pas identités remarquées lorsqu’il s’agit de jumeaux monozygotes par exemple aux identités remarquables dans le domaine mathématique.


QUI SUIS-JE ?
La question de l’identité soulève deux interrogations philosophiques :
- le problème de l’identité subjective : qu’y a-t-il de commun, physiquement et moralement entre l’homme que je suis et le jeune garçon que j’étais jadis ? Y a-t-il identité réelle du Moi, qui demeure « derrière » les modifications, ou simple identité grammaticale du pronom personnel « je » ? Les neurosciences cognitives l’expliquent par le sentiment d’unité du Moi :même si le contenu de mes pensées peut changer, même si l’état dans lequel je me sens peut évoluer, selon mes humeurs, ma fatigue ou mes projets, je garde le sentiment d’être identique à moi-même, que le Moi d’il y a quelques années est le même que celui qu’ il sera plus tard. La mémoire peut-elle jouer un rôle dans l’établissement de l’identité d’une personne ?
- Vos papiers, s’il vous plaît ! Dire que je m’appelle…que je suis… que mon métier est …revient à aligner une somme d’informations factuelles mais qui ne résument en rien ce que je suis. Suffit-il que nous ayons une position sociale, un travail, une famille, une religion, un parti politique pour savoir qui nous sommes ? Mais aussi n’y a t-il pas une part de moi qui m’est étrangère ? Ne serais-je pas propriétaire de plusieurs identités (réelles ou potentielles) ? avec parfois des tensions, des conflits, des choix stratégiques, des compromis, des transactions entre ces personnalités multiples. Et si il existait une personnalité de base, en relation étroite avec la culture du groupe d’apprentissage, une personnalité de base sur laquelle chaque individu élaborerait sa variante personnelle ?

IDENTITE ET IPSEITE
Le latin distingue deux termes : celui de « idem » qui signifie le même, ce qui est identique et celui de « ipse » qui veut dire moi-même, toi-même, soi-même..le propre d’une personne. L’identité marquerait l’inscription de l’individu dans un groupe social déterminé en lui donnant une place précise et le singulariserait par le nom, la reconnaissance du génie propre…Mais inscription et singularisation seraient toujours données de l’extérieur. Dans l’identité, la personne existe toujours par les autres : d’une certaine façon elle est en grande partie imposée.
Notre société contemporaine n’échappe pas à cette fonction de production de l’identité : volonté politique de contrôle d’identité, carte d’identité infalsifiable…témoignent de ce désir de maîtrise et de contrôle des individus un peu à la manière de Utopia de T. More ou de Big Brother dans 1984 d’Orwell dont l’œil ubiquitaire et omniprésent surveille chaque membre de la société de 1984. (et que dire d’EDVIGE ?) .
A l’identité, M. Jouhaud oppose l’ipséité : « L ‘ipséité est un mystère. Comment et pourquoi suis-je moi-même et pas un autre ? ». Quand A.Rimbaud déclare : « Je est un autre » il exprime bien l’étrangeté de la situation .
Pour E. Lévinas (dans son livre Totalité et Infini), l’identité est totalité parce qu’elle définit l’homme, parce qu’elle le détermine, le cerne, tandis que l’ipséité est « Infini » parce que quelque chose en l’homme est mystère et secret, et par là échappe à toute objectivité et à toute « déterminité ». L’ipséité rend l’homme étranger car il sait qu’aucune racine jamais ne le définira.
La science a, certainement, apporté un éclairage considérable dans les domaines de la médecine, de la génétique, de la connaissance du corps propre, de la psychologie, de la sociologie, mais l’ipséité, son apparition, sa genèse, sa formation dans la relation avec le corps, dans la relation à l’autre sujet, lui échappent toujours.


L’INDIVIDU DISPERSE
Ethnie , nation, famille, groupe professionnel, tribu, sexe, classe sociale…nous appartenons tous à plusieurs communautés. Aucune de ces appartenances ne peut nous définir de façon exclusive. Peut-on alors parler comme le font les psychosociologues et les anthropologues d’un « métissage » de notre identité ? Sommes-nous des êtres composites ? ou comme le dit E.Morin des êtres poly-identitaires ? Mais dans quelles circonstances sociales ou historiques, alors, certaines de ces identités vont-elles prendre consistance, vont-elles s’imposer par rapport à d’autres ?
Cette situation de multi-appartenances fait que l’individu reste en quelque sorte à la recherche de lui-même, en quête d’un ego plus stable et réconcilié. Le métissage est difficile à vivre.
Peut être que nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable .
CE QUE JE CROIS ÊTRE, JE NE LE SUIS PAS ; CE QUE JE SUIS RESTE A DECOUVRIR .

Bonne recherche …
.

 


L’IDENTITE, concept ou métaphore ?

 par Octavio


Jacky nous dit que l’identité « est un concept récent » et il le situe à la « date de la mise en place des papiers d’identité », mais il ajoute  que « La question de l’identité soulève deux  interrogations philosophiques » reliées aux questions ou combien anciennes qui  « ont balisé le parcours de  l’existence humaine » : qui suis-je ? d’où viens-je et où vais-je ?  Et cela dans le cadre de « la quête de sens ».


Donc, si nous voulons faire un débat cohérent, ils nous faudra bien nous interroger premièrement sur la pertinence de ces deux
interrogations avant de philosopher (causer) sur « IDENTITE ET IPSEITE » et « L’INDIVIDU DISPERSE ».  Et sur tout nous devrons définir
auparavant  sur quel plan nous allons débattre : soit sur le plan du concept ou de la métaphore. C’est-à-dire : de « l’identité subjective » ou de « Vos papiers, s’il vous plaît ! »


En plus, nous devrons choisir entre les deux approches que Jacky nous propose:
soit l’approche de E. Lévinas, dans son livre Totalité et Infini, ou l’approche scientifique à partir des éclairages qui nous apportent la
génétique, les neurosciences et même la sociologie et l’histoire.


En autres termes :
- ou bien nous faisons une approche métaphysique  (l’identité est totalité parce qu’elle définit l’homme, parce qu’elle le détermine, le cerne,
tandis que l’ipséité est « Infini » parce que quelque chose en l’homme est mystère et secret, et par là échappe à toute objectivité et à toute « déterminité ». L’ipséité rend l’homme étranger car il sait qu’aucune racine jamais ne le définira.)


- ou bien nous faisons un approche scientifique, et à sa lumière nous nous interrogions à la manière dont notre société contemporaine
utilise cette « fonction de production de l’identité » pour contrôler  les « individus un peu à la manière de Utopia de T. More ou de Big Brother
dans 1984 d’Orwell dont l’œil ubiquitaire et omniprésent surveille chaque membre de la société de 1984. (et que dire d’EDVIGE ?) . »


Bon débat…
Octavio