Université Populaire de Perpignan
ATELIER DE PHILOSOPHIE POUR ADULTES (2006-2007)
Cycle sur la précarité (1er année)
Séance 1 du 27-01-07
Animateur : Michel Tozzi
Président de séance : Romain Jalabert
Secrétaire de séance : Marcelle Tozzi
1) Présentation de l’atelier : la précarité
dans notre existence
A la définir comme un état de fragilité dans lequel l'avenir,
la durée et la stabilité ne sont pas assurés, la précarité
et le sentiment qui s’y rapporte semblent se répandre dans notre
société : de la précarité la plus médiatisée (l’insécurité
face à la délinquance) à celle collectivement combattue
par ceux qui la subissent (la précarité face à l’emploi
– voir le récent mouvement des jeunes contre le CPE) ; en
passant par d’autres formes individuelles et quotidiennes (la précarité
des relations humaines et affectives – dans le couple par exemple), ou
plus générales (l’avenir de nos retraites, les menaces
écologiques face à la pollution et à l’effet
de serre, la prolifération du nucléaire, …) ; jusqu’à
la précarité la plus fondamentale, celle devant la mort, plus
ressentie dans une société individualiste où la fin du
monde, c’est ma propre mort !
Quel est le sens du sentiment de précarité pour l’homme,
pourquoi devient-il aussi pesant dans la modernité ? Peut-on y
faire face ?
Nous tenterons une approche philosophique, plus que psychologique, sociologique
ou économique, du sens de la question de la précarité dans
notre existence, aux différents niveaux évoqués plus haut.
Dates : les samedis 27 janvier, 10 février, 10 mars, 7 avril, 12
mai, 9 juin 2007, de 10h à 12h.
Lieu : annexe de l’Ecole des Beaux-arts (en face de l’école),
rue Foch, Perpignan.
Animateur : Michel Tozzi, professeur des universités à Montpellier
3, directeur du CERFEE (Centre de Recherche sur la formation, l’éducation
et l’enseignement), animateur de l’atelier de philosophie pour adultes
de l’Université Populaire de Narbonne, et du Café Philo
de Narbonne.
Méthode : les séances alterneront des apports accessibles
à tous, des discussions entre participants, des moments brefs d’écriture
personnelle et de lecture de textes. Aucun niveau préalable n’est
requis, l’expérience personnelle et la réflexion rigoureuse
de chacun suffisant à aborder les sujets abordés. La culture n’aura
de sens qu’au service d’un groupe en recherche.
Les coanimateurs de l’atelier ne se placeront pas en position d’experts
philosophiques, mais de facilitateurs et d’accompagnateurs d’une
réflexion individuelle et collective en atelier.
Il est souhaitable de suivre le cycle en continu pour constituer un groupe permanent
de réflexion, mais on peut suivre ponctuellement une séance.
2) PROGRAMME
Exploration des notions associées à la précarité,
et questions que celle-ci pose à l’homme :
- Samedi 27 janvier, de 10h à 12h.
I) La précarité au niveau individuel.
A) La précarité existentielle (accident, vieillissement, maladie,
mort…) :
- Samedi 10 février, de 10h à 12h.
B) La précarité affective dans les relations interpersonnelles,
notamment le couple moderne :
- Samedi 10 mars, de 10h à 12h.
II) De la précarité individuelle à la précarité
collective.
A) La précarité sociale (chômage, logement, prestations
sociales, retraites etc.) :
- Samedi 7 avril, de 10h à 12h.
B) La précarité de l’espèce (« malbouffe »,
pollution, effet de serre, virus, clonage…) :
- Samedi 12 mai, de 10h à 12h.
Premières conclusions et propositions pour 2007-2008 :
- Samedi 9 juin, de 10h à 12h.
3) Exploration des notions liées à la précarité
Réfléchir sur la précarité, c’est une exigence
de rigueur, implique de savoir de quoi l’on va parler, et ce que l’on
va penser : d’abord donc définir le terme (on dit en philosophie
conceptualiser). Mais pas en regardant le dictionnaire (on fait là du
français) ; en travaillant sur sa conception première pour
l’interroger et la faire évoluer, notamment par la confrontation
aux autres.
« Précarité » est un mot du langage courant,
très connoté aujourd’hui socialement, économiquement,
politiquement, et plus fondamentalement existentiellement. Ce mot est une idée
générale et abstraite (on dit en philosophie une notion). Qu’y
mettons-nous chacun dessous ? Pour le savoir, faisons émerger nos
représentations (on dit en philosophie opinions) de la notion. On peut
chercher des synonymes, des mots opposés, des mots associés à
la notion (pensée associative, qu’il faudra rendre progressivement
plus conceptuelle).
D’une réflexion individuelle puis d’une mise en commun arrivent
nos mots pour « dire » la précarité :
- Beaucoup de mots négatifs : Chômage, Pauvreté, Minima
sociaux, Survivre, Misère, Au jour le jour, Privation, Mort lente, Morbidité,
Souffrance, Désespoir, Fragilité, Vulnérabilité,
Impermanence, Risque, Incertitude, Insécurité, Inquiétude,
Instabilité, Avenir ?, Imprévisibilité, Non projet,
Inéluctable, Menace, Soumission, Peur, Domination, Aliénation,
Exclusion, Asocialisation, Désocialisation, Acculturation, Individualisme,
Enfermement, Incompréhension, Perte de sens, Misère socioculturelle,
Incompétence…
- Et des mots plutôt positifs : Autonomie, Adaptabilité, Système
D, Stimulation, Assurance, Certitude, Force, Richesse, Temps libre, Opportunités,
Fantaisie, Liberté, Dignité, Responsabilité, Combat, Révolution,
Entraide, Partage, Protection, Lien social…
- Et Politique, Education, Religion…
Comment tressons-nous, tissons-nous, avec nos mots et ceux des autres, le champ
notionnel de la précarité, sa trame conceptuelle (les notions
dont nous avons besoin, et leurs relations entre elles, pour penser la notion
de précarité)? Le travail est à faire par chacun d’entre-nous…
4) Premières définitions
Sur la base de cet exercice d’association d’idées, voilà
les premières définitions qui ont été proposées
par les participants. Définition de premier jet à conserver par
chacun, pour voir si elle va évoluer au cours des séances, l’objectif
étant de la complexifier. On peut les classer un peu arbitrairement dans
trois catégories, bien que certaines fassent sans doute allusion à
plusieurs plans à la fois. La précarité y apparaît
le plus souvent comme quelque chose qui est à la fois douloureux et subi.
- Définitions très générales :
Déstabilisation qui vient fragiliser.
Incertitude menaçante et risquée.
- Approche existentielle
Inconnues et risques inhérents à la vie.
Etat de survie empêchant tout projet.
Fragilité liée à la condition humaine, plus ou moins accentuée
dans un groupe social.
Impossibilité de construire un avenir.
Incertitude du lendemain dans un monde de plus en plus incertain.
- Approche socio-politique
Négation de l’individu.
La précarité, c’est la perte de la parole.
Processus politique qui nie la personne humaine.
Insécurité financière mais non mort sociale.
Se situer en dehors du système.
5) Questionnements
Si on veut réfléchir à une notion qui tente de dire et
penser le réel, il faut non seulement travailler sa représentation
spontanée, mais explorer les questions qu’elle nous pose, puis
s’attaquer à chaque question pour la problématiser :
élaborer un des problèmes qu’elle soulève. Problema
en grec : difficulté (à penser le réel, derrière
la notion).
Voilà les questions formulées par les participants à propos
de cette notion de précarité. Elles esquissent des pistes possibles
de réflexion, des problématiques à construire…
Sentiment et état de précarité sont-ils universels ?
Il y a-t-il des différences dans le temps et dans l’espace ?
- La précarité est-elle inhérente à l’espèce
humaine ? Est-elle liée au processus de survie de l’espèce ?
- Qu’est-ce que la précarité occidentale par rapport à
la précarité dans d’autres cultures ?
- Les hommes préhistoriques vivaient-ils mieux la précarité
que nous ?
- Ne sommes-nous pas tous en situation de précarité ?
- La précarité serait-elle inévitable dans le contexte
actuel ?
- La somme des précarités individuelles fait-elle une société
précaire ?
Quel est le vécu de la précarité ?
- L’individu a-t-il conscience et comment de son état de précarité ?
- La précarité ne serait-elle pas subjective ?
- Comment voir s’il y a un chemin derrière le mur ?
S’accommoder au mieux de la précarité !
- Est-on condamné à la précarité ?
- Quel travail sur soi pour vivre avec ce sentiment ?
- Peut-on espérer qu’il y ait une réversibilité des
conséquences de la précarité ?
- Comment utiliser la précarité pour en faire un atout ?
- A propos de ma propre précarité, comment en jouir ?
- Serait-il possible de jouir de la précarité des autres ?
- La précarité me freine-t-elle ou me stimule-t-elle ?
Quelles responsabilités : rechercher les causes, rechercher des
remèdes.
- Les causes du processus de précarisation ?
- La précarité est-elle liée au processus de survie de
l’espèce ?
- Quel lien entre précarité et (in)compétence ?
- La sédentarisation implique-t-elle la précarité ?
- Est-il acceptable qu’un système économico-politique institutionnalise
la précarité ?
- Comment s’inscrire dans l’aide aux précaires et dans la
lutte contre la précarité ?
- Responsabilité, investissement : comment participer à une
relation d’aide ?
- Comment précariser ceux qui sont responsables de la précarité ?
Ces questions ouvrent des investigations que nous allons parcourrir.